Accéder au contenu principal

Les messies sont morts.







Dans la pénombre romaine se balade, au gré de ses inspirations, le Maestro. Salles de cinéma, ruelles, mort, tout semble obscur dans la vie de Pasolini qui pourtant, voue son existence à cette lutte perpétuelle, contre l'obscur, qui, au vu des biens tristes événements de la semaine du 7 janvier et de tout ce qui suivit, n'est pas désuète et est loin de l'être. Dans cette perspective, le présent film, prévu comme une piqûre de rappel aux penseurs libres ou initiés comme la présentation au nouveau monde d'un exemple du genre pour rappeler à ceux qui vivent dans une brume constante, désespérés, qu'il en a existé et qu'il en existe encore, peut-être de moins en moins, hélas.
Sous un monde enfumé par une politique politicienne rompant de plus en plus avec le réel, mordillant sa propre et impuissante queue et où les conditions précaires des uns contrastent avec l’innommable richesse des autres, il est bon de s'en souvenir. Dans ces lieux gouvernés avant tout par la corruption, que Pasolini exècre, dénonce (maintenant plutôt par des lobbys qui cachent honteusement leur vrai nom), certains ont dit non à la fatalité sociale et politique. Voilà le combat de cet homme qui n'hésitait pas, seul, à attaquer sur tous les fronts mais particulièrement sur son favori : l'art, avec ses films, ses romans et sa poésie.


Si Ferrara donne une version de sa mort sur la plage d'Ostie, en adéquation avec les avancées lentes mais réelles de l'enquête, toujours brumeuse, ce n'est pas pour autant qu'il nie les nombreux ennuis, protestations ou autres lynchages de la part des autorités, quelles qu'elles soient, que le réalisateur répudiait de toutes ses forces, qu'il subit le long de sa trop courte existence. La piste d'une claire intervention des groupes défendant la démocratie chrétienne italienne, des compagnies pétrolières ou de la mafia écartée, reste un assassinat crapuleux, honteux, perpétré par un escadron de jeunes abrutis fascistes et homophobes naturellement. Quarante ans s'écoulent et rien ne change.


Pasolini serait donc probablement, dans cette optique, le deuxième opus d'une entreprise dialectique confrontant la gauche à sa situation actuelle.Avec Welcome to New-York. Deux biopics contant, dans deux périodes relativement courtes, deux crépuscules. Fin, alors annoncée comme le plus grand drame du XXIe siècle, de la vie politique de Dominique Strauss-Kahn, digne représentant de la gauche ne rechignant devant nul plaisir hors de prix aussi porcin soit-il, une gauche qui n'en porte que le nom,  et la fin de vie, affiliée à une gênante provocation, du maître Pier Paolo Pasolini qui passa vite sous silence radio. 
 
Ferrara mêle habilement l'humanité mais aussi l'angoisse permanente de son inspirateur et des hypothétiques scènes de son dernier scénario qui ont une résonance toute particulière. Ce film ne se réduit pas à un simple hommage qui n'aurait eu que très peu d'agio philosophico-politique, mais se voit plutôt comme une subtile introduction à la pensée pasolinienne libertaire et anti-symbolique. Il est d'ailleurs clairement -ces mots sortent de sa bouche- considéré comme un écrivain avant tout, qui exprime son irréligion au monde par divers moyens.

Les destins de ses deux derniers films sont donc étonnamment aux antipodes, comme un message subliminal lié à leur contenu. S'il existait encore de l'humanité chez l'homme, Welcome to New-York ne devait pas marcher et Pasolini oui. Pour l'instant tout se déroule ainsi mais l'entreprise parait trop géniale, trop perverse pour être vraie.



Pasolini
États-Unis, 2015
Abel Ferrara.


Salò de Pier Paolo Pasolini

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Sommeil (d'hiver)

  Alors que l'issue de "Winter Sleep" est proche, l'un des personnages, passablement éméché, prononce cette phrase sentencieuse : "Est-ce la vie ou une mauvaise pièce ?" Ni l'un ni l'autre, juste un mauvais film, un long cauchemar blanc se déroulant dans cet hôtel d'Anatolie. La pesante vanité qui se dégage de l'ensemble est tout bonnement ahurissante, et insupportable. Jamais le temps au cinéma n'aura passé aussi lentement que pendant cette vaste et complaisante entreprise de pure destruction. Ne nous leurrons pas : malgré la virtuosité formelle de l'ensemble, la chenillette de Ceylan broie tout sur son passage. Elle ne pourrait fonctionner sans son autosatisfaction destructrice, son moteur, dispersant allègrement au cours de ces trois heures épuisantes ses infinies scènes de palabres vaguement surfaites, profondément alambiquées. Pire, non content de leur caractère irritant, Ceylan pousse le masochisme jusqu'à irrigue

La Réalité des Choses

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR Stephan Streker n'est pas le premier et ne sera pas plus le dernier à céder à cette tendance dans le cinéma du « ventre-mou » (films qui ne sont ni des navets, ni franchement bons) : l'autodestruction. Tout comme Yan England, également au FIFF avec 1:54 , qui clôturait son film sur le harcèlement par un suicide habilement habillé d'héroïsme mais pas moins la manifestation du pessimisme ambiant, Streker, lui, gâche tout son travail de compréhension, de finesse et de nuance par un fratricide crapuleux. Sous le prétexte plutôt bancal de vouloir montrer « la réalité » des choses, ces deux réalisateurs en oublient qu'ils font des films et non des recueils de faits divers. Le monde nous immerge et nous coule déjà bien assez. Cette remarque d'un spectateur après la projection de 1:54 : « ce n'est pas une fiction, c'est la réalité, c'est ce qui se passe tous les jours ». Ce dernier s'

Le carnaval des animaux

   Une lutte à mort entre deux hommes dans l'habitacle d'une voiture inclinée au bord de l'eau, avec comme moyen d'en finir (au choix) un extincteur ou une ceinture de sécurité. Voilà qui est sans doute le moment le plus gênant, le plus crapuleux de "Relatos Salvajes", soit six sketches traitant tous à leur manière des plus bas instincts humains, quand l'animal qui sommeille prend le pas sur l'être de civilisation.    La scène survient lors du troisième segment, le pire (le meilleur diront les autres), et fait craindre une course à la surenchère vulgaire pour la suite. Même si les salauds continuent à se succéder au sein de ce dispositif discutable, on est tout heureux que Szifron lève un peu le pied. Si l'on voit très vite où ce dernier veut en venir, on s'interroge néanmoins sur l'intégrité de son modus operandi ; c'est que le répéter à six reprises crée une effet redoutablement pervers chez qui regarde, tiraillé entre