"Dheepan" arrive
dans les salles belges entouré de son ombrageuse polémique
cannoise. L'attribution de la Palme d'Or au film avait de quoi
surprendre, d'abord au regard des réactions clivantes qu'il avait
suscitées en mai dernier sur la Croisette, et si l'on se réfère à
l'adhésion quasi générale formulée autour de deux autres films :
"Mia Madre" de Nanni Moretti et "Carol" de Todd
Haynes, annoncés chez nous dans les prochains mois. Ensuite parce
que le portrait de la banlieue qui y est dressé a légitimement de
quoi faire réagir.
Montrée en véritable zone de non-droit aux mains de dealers à la gâchette facile, où la violence règne et dont l'Etat semble complètement déconnecté, elle ne vaut guère mieux que que le Sri Lanka ravagé par la guerre civile que quitte l'ancien soldat désabusé Dheepan (Anthonysthasan Jesusthasan ). Lequel s'embarque pour la France accompagné de Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et d'Illayaal (Claudine Vinasithamby), rencontrées quelques heures avant le départ et qui se feront passer respectivement pour sa femme et sa fille, en vue de former une famille crédible. Le trio tente alors de s'apprivoiser et de s'intégrer dans un pays dont il ignore tout, à commencer par la langue. A la découverte de leur barre d'immeuble, Dheepan et "les siens" vont vite déchanter.
C'est précisément ici que la lâcheté politique d'Audiard, auto-affirmée lors de la conférence de presse d'après-palmarès, a du plomb dans l'aile : s'abritant sous le ridicule paravent du "film de genre", le cinéaste livre un film dans la lignée des westerns "droitiers" à la Peckinpah, où les cowboys locaux (entendez la racaille) font la loi. Nulle trace d'une quelconque présence policière : il s'agit purement et simplement d'une "no-go zone" chère à Fox news, qu'Audiard filme avec la plus grande fascination. Il prolonge ainsi sans grande surprise une thématique déjà présente dans ses films précédents (surtout "Un prophète"), celle d'une virilité exacerbée et violente. Tout cela au détriment du projet naturaliste du film, qui ne prend de toute façon pas, tant chaque scène ne parvient jamais à s'installer, à trouver sa durée propre qui permettrait de créer une empathie ; on reste soigneusement tenu à l'écart des rapports intimes qui se jouent au coeur même de cette famille improvisée .
Les seules choses à intéresser Audiard sont ce climat anxiogène allant croissant, qui pousse à plusieurs reprises Yalini à fuir vers l'Angleterre (où elle a de la famille), et une description fantasmatique de la sauvagerie prétendument ontologique d'un homme qui, même s'il "n'aime plus la guerre", ne saurait refouler définitivement ses instincts guerriers (abjection du propos). Audiard le lâche préfère brandir l'appellation "film de genre", nettement plus acceptable et plus floue, pour un "auteur" de sa trempe, que celle de "vigilante movie". Car c'est bel et bien dans la seconde que se range "Dheepan", comme l'atteste son finale aberrant : le Charles Bronson tamoul, machette (d'où sort-elle ?) à la main, va flanquer une solide dérouillée à cette racaille amateure pour protéger sa petite famille. Cette dernière qui, à la faveur d'une ellipse parmi les plus elliptiques jamais vues au cinéma, atterrit quelques plans plus tard au paradis sur terre : un paisible et cossu quartier résidentiel anglais. Une mystification à la hauteur de celle du 24 mai dernier, cannoise cette fois.
Montrée en véritable zone de non-droit aux mains de dealers à la gâchette facile, où la violence règne et dont l'Etat semble complètement déconnecté, elle ne vaut guère mieux que que le Sri Lanka ravagé par la guerre civile que quitte l'ancien soldat désabusé Dheepan (Anthonysthasan Jesusthasan ). Lequel s'embarque pour la France accompagné de Yalini (Kalieaswari Srinivasan) et d'Illayaal (Claudine Vinasithamby), rencontrées quelques heures avant le départ et qui se feront passer respectivement pour sa femme et sa fille, en vue de former une famille crédible. Le trio tente alors de s'apprivoiser et de s'intégrer dans un pays dont il ignore tout, à commencer par la langue. A la découverte de leur barre d'immeuble, Dheepan et "les siens" vont vite déchanter.
C'est précisément ici que la lâcheté politique d'Audiard, auto-affirmée lors de la conférence de presse d'après-palmarès, a du plomb dans l'aile : s'abritant sous le ridicule paravent du "film de genre", le cinéaste livre un film dans la lignée des westerns "droitiers" à la Peckinpah, où les cowboys locaux (entendez la racaille) font la loi. Nulle trace d'une quelconque présence policière : il s'agit purement et simplement d'une "no-go zone" chère à Fox news, qu'Audiard filme avec la plus grande fascination. Il prolonge ainsi sans grande surprise une thématique déjà présente dans ses films précédents (surtout "Un prophète"), celle d'une virilité exacerbée et violente. Tout cela au détriment du projet naturaliste du film, qui ne prend de toute façon pas, tant chaque scène ne parvient jamais à s'installer, à trouver sa durée propre qui permettrait de créer une empathie ; on reste soigneusement tenu à l'écart des rapports intimes qui se jouent au coeur même de cette famille improvisée .
Les seules choses à intéresser Audiard sont ce climat anxiogène allant croissant, qui pousse à plusieurs reprises Yalini à fuir vers l'Angleterre (où elle a de la famille), et une description fantasmatique de la sauvagerie prétendument ontologique d'un homme qui, même s'il "n'aime plus la guerre", ne saurait refouler définitivement ses instincts guerriers (abjection du propos). Audiard le lâche préfère brandir l'appellation "film de genre", nettement plus acceptable et plus floue, pour un "auteur" de sa trempe, que celle de "vigilante movie". Car c'est bel et bien dans la seconde que se range "Dheepan", comme l'atteste son finale aberrant : le Charles Bronson tamoul, machette (d'où sort-elle ?) à la main, va flanquer une solide dérouillée à cette racaille amateure pour protéger sa petite famille. Cette dernière qui, à la faveur d'une ellipse parmi les plus elliptiques jamais vues au cinéma, atterrit quelques plans plus tard au paradis sur terre : un paisible et cossu quartier résidentiel anglais. Une mystification à la hauteur de celle du 24 mai dernier, cannoise cette fois.
Antoine Van den Kerkhove
Dheepan
France, 2015
Jacques Audiard
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