FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR
Attention, tout beau spécimen de "film de crapule" vu cette année au FIFF : avec sa première fiction longue Parasol, le sympathique Valéry Rosier a bien de la chance d'avoir été à ce point marqué par les grandes heures télévisuelles de feu Strip-Tease. C'est vrai, c'est tout de même grandement utile lorsque l'on veut à tout prix filmer alors que l'on n'a strictement rien à filmer, excepté une fascination misanthrope de très mauvais goût pour les gens (les petites, surtout). Ainsi, on peut réaliser Strip-Tease, le film en enfumant tout le monde (dont ses propres comédiens : pauvre Julienne Goeffers - abuser de la confiance des personnes d'un certain âge, c'est pas bien, Valéry...).
On est donc parti pour un joli programme : une heure et quart de cynisme ricanant, entretenant son petit jeu de connivence avec un spectateur complice. Où l'on suit momentanément trois existences simples ( voire simplettes ), en perdition de plus en plus avancée selon le bon plaisir du maître d'oeuvre Rosier. Le synopsis - aussi flou que le propos du film qu'il est censé résumer - nous parle "d'errances" : il est vrai que les personnages présentés ne sont guère flamboyants, se traînent ; en revanche ce qui pose sérieusement question, c'est l'intérêt malsain porté aux agissements, à la solitude de ces individus gentiment "à côté" peinant à trouver leur place, poussé jusqu'aux situations les moins glorieuses pour les protagonistes (ce qui faisait en somme tout le "sel" de Strip-Tease ).
Comme Valéry doit faire tenir son fragile édifice plus d'une heure durant, il nous présente directement trois personnages "profondément humains" (dixit le dossier de presse : comprenez "misérables"), histoire de jeter encore un peu de poudre aux yeux à son public, au cas où il se montrerait aussi crétin qu'escompté devant ce désert de vacuité et de néant cinématographique. Pour un film d'une telle durée, on ne compte plus ces plans bouche-trous de Can Picafort quasi désert, et qui reviennent ponctuellement surappuyer cette idée d'un vide existentiel généralisé à toute l'Humanité, où s'infiltrerait par les anfractuosités tout l'ennui du monde ; Parasol est une authentique baudruche gonflée au rien, sinon au mépris humain.
On a donc le choix entre Annie, une senior belge envolée pour l'Espagne afin d'y concrétiser charnellement sa rencontre online avec un certain André (ce qui nous vaut de très fins échanges MSN : quels cochons, les vieux !), Pere, régional de l'étape et conducteur du train touristique local, qui récite mécaniquement ses explications sur les "buissons typiques" de Can Picafort et est tombé en disgrâce auprès de sa fille adolescente, ou encore l'Anglais Alfie, la vingtaine, là pour du camping avec ses parents. Le bougre qui va s'acoquiner avec deux compatriotes beaufs comme c'est plus possible. Mention spéciale à ce dernier segment, "funny game" en roue libre où notre duo de rougeauds comparses s'efforce de dévergonder leur nouvel ami à coups de litrons de vodka. A la fin, le pauvre se fera évidemment rosser par ses deux "potes", non sans avoir également connu, entretemps, un échec sentimental éclair avec une pulpeuse Ibère.
Mais ce qui fait le plus frissonner ici, est d'assister à un geste parfaitement conscient, froid et clinique, où chaque plan, chaque choix de mise en scène ou de scénario exsude le digne patronage de Seidl, Haneke et consorts ; plutôt qu'un horizon humaniste ( éternel alibi auquel personne ne croit, sauf les thuriféraires de ce "cinéma" si particulier, dans une mauvaise foi crasse ), celui de la crapulerie sans nom, qui ne s'en cache même pas. Il faut être résolument tordu pour avoir ne-fût-ce que l'idée d'une telle saloperie. Espérons que cette résurrection d'un effeuillage de bien mauvais goût demeure un acte isolé au sein du cinéma belge, au vu des belles promesses namuroises d'Antoine Cuypers et du tandem El Arbi-Fallah.
Antoine Van den Kerkhove
Parasol
Belgique, 2015
Valéry Rosier
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