Accéder au contenu principal

« Mon Rot » ©



FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR


Une descente de ski en famille et un rivage méditerranéen bordé de résidences en tous genres ; quelles deux images davantage idoines pour débuter ce film qui, d'emblée affiche avec éloquence et tact sa néo-bourgeoisie assumée ? Peut-être une soirée hype où le champagne coule à flots et un loft parisien démesuré ? Ce sont les troisième et quatrième images. Moi Roi conte dix ans de la vie (plus ou moins) commune de Marie-Antoinette dite Tony, avocate, et Georgio, propriétaire d'un restaurant ou on-ne-sait-pas-trop-quoi. Déjà, tout est dit. Dans ce monde particulier, qui vit en total détachement de ce qui ne se développe pas dans son arrondissement, Maïwenn, au gré des ellipses, laisse grandir en expansion continue la folie des grandeurs qui anime cette relation.

 

Tony (Emmanuelle Bercot), elle, semble, au commencement, sereine et équilibrée psychiquement : presque normale. Célibataire, elle sort sans doute régulièrement accompagnée de son frère et de sa fiancée. Rien ne présage une quelconque envie de retrouver un amour de jeunesse, pas de nostalgie. Pourtant son chemin va croiser celui de Georgio (Vincent Cassel), ancien habitué d'un bar dans lequel elle servait pour financer son parcours estudiantin. Nulle femme aussi opiniâtre soit-elle ne résiste à ce bellâtre particulièrement à l'aise, n'est-ce pas? Bien que l'homme ne s'acoquine d'usage qu'avec des mannequins, il semble pourtant bien décidé à ramener son ancienne connaissance dans ses infaillibles filets : un petit déjeuné préparé dans son luxueux appartement. Il y étale son patrimoine et la pauvre brebis ne peut lutter. S’enclenche alors une escalade sans fin dans l'hystérie et la démesure, orchestrée par Cassel en totale improvisation, que scelle cette phrase : «  Parce que tu crois que t'es normale toi ? » Non en effet, elle ne l'est plus. Perdant, en couple, pied avec le réalité, les deux vont mutuellement se centrifuger vers d'autres lieux où seule compte leur petite personne, leurs petits problèmes. Georgio embarque tout son monde sur lequel il règne en maître dans une chute assurée, promise et peut-être définitive. Tony, elle, est contaminée. Sont promis : dix ans d'électrocardiogramme très agité débouchant sur un fiasco général et un enfant nommé Sinbad.

Le malaise du film provient davantage d'un déséquilibre constant. L'omniprésence du couple qui devient vite agaçant. On suffoque presque de les voir sans cesse en conflit ou dans l'excès inverse. Cela nous donne, dans l'escalade de l'irritant, des scènes indécentes, gratuites et très décomplexées : mangeant leur livre de caviar bien méritée, le couple en profite pour parier des billets mauves que l'esturgeon est un poisson d'eau de mer et d'eau douce et quelques minutes plus tard, on retrouve Emmanuelle Bercot criant sans honte sa victoire aux courses à Longchamp. Le beaufisme décomplexé empiète, contamine l'initiale histoire d'amour (oui c'est bien de cela qui le film traitait jadis) pour petit à petit la faire complètement disparaître au profit d'une exhibition sans nom.
Un équilibre eut sans doute pu être quelque peu recouvré avec une présence plus importante et significative du couple « normal »,  Isild Le Besco – Louis Garrel (selon Maïwenn, eux ne seraient-ils alors pas amoureux si ils ne sont pas fous ?). De temps à autre ramener l'autre binôme à la réalité et nous permettre de souffler, c'est le grand intérêt de leur existence dans le scénario. C'est d'ailleurs Solal (Louis) qui prévient sa sœur dès le départ et une autre fois ensuite du danger qu'elle encourt. Ils pouvaient à eux-deux trouver un juste milieu entre Vincent Cassel et Norman Thavaud (surpris d'ailleurs de ne pas avoir été récompensé en mai dernier du prix d’interprétation masculine). Au contraire, la folie bourgeoise est ici en toute liberté, s'adonnant sans cesse à ses plus affreux caprices.
Quant au centre de revalidation dans lequel on voit Tony évoluer tout au long du film par prolepses, il reste une énigme. Une métaphore de ce que devra parcourir la pauvre pour faire fi et se refaire après cette décennie destructrice et/ou bien un moyen de rencontrer ce groupe de braves ploucs sympathiques : on file directement dans l'excès inverse où la quarantenaire retrouve les « vrais gens » par le biais d'une bande de jeunes banlieusards.

Après deux heures à rire avec Vincent Cassel (toujours plus libre) de sa situation on ressort quelque peu éreinté de ce voyage au bout de l'abject. Nul autre titre alors ne nous vient à l'esprit que celui attribué par Vincent Malausa lors d'un de ses tweets cannois : « Mon Rot ».


Mathias De Smet


Mon Roi
France, 2015
Maïwenn






Commentaires

  1. ................................................................................................................................................................................................................................................................................................................. Bonsoiiiiiiiiir ................................. c nul. lol rabat

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Sommeil (d'hiver)

  Alors que l'issue de "Winter Sleep" est proche, l'un des personnages, passablement éméché, prononce cette phrase sentencieuse : "Est-ce la vie ou une mauvaise pièce ?" Ni l'un ni l'autre, juste un mauvais film, un long cauchemar blanc se déroulant dans cet hôtel d'Anatolie. La pesante vanité qui se dégage de l'ensemble est tout bonnement ahurissante, et insupportable. Jamais le temps au cinéma n'aura passé aussi lentement que pendant cette vaste et complaisante entreprise de pure destruction. Ne nous leurrons pas : malgré la virtuosité formelle de l'ensemble, la chenillette de Ceylan broie tout sur son passage. Elle ne pourrait fonctionner sans son autosatisfaction destructrice, son moteur, dispersant allègrement au cours de ces trois heures épuisantes ses infinies scènes de palabres vaguement surfaites, profondément alambiquées. Pire, non content de leur caractère irritant, Ceylan pousse le masochisme jusqu'à irrigue

La Réalité des Choses

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR Stephan Streker n'est pas le premier et ne sera pas plus le dernier à céder à cette tendance dans le cinéma du « ventre-mou » (films qui ne sont ni des navets, ni franchement bons) : l'autodestruction. Tout comme Yan England, également au FIFF avec 1:54 , qui clôturait son film sur le harcèlement par un suicide habilement habillé d'héroïsme mais pas moins la manifestation du pessimisme ambiant, Streker, lui, gâche tout son travail de compréhension, de finesse et de nuance par un fratricide crapuleux. Sous le prétexte plutôt bancal de vouloir montrer « la réalité » des choses, ces deux réalisateurs en oublient qu'ils font des films et non des recueils de faits divers. Le monde nous immerge et nous coule déjà bien assez. Cette remarque d'un spectateur après la projection de 1:54 : « ce n'est pas une fiction, c'est la réalité, c'est ce qui se passe tous les jours ». Ce dernier s'

Le carnaval des animaux

   Une lutte à mort entre deux hommes dans l'habitacle d'une voiture inclinée au bord de l'eau, avec comme moyen d'en finir (au choix) un extincteur ou une ceinture de sécurité. Voilà qui est sans doute le moment le plus gênant, le plus crapuleux de "Relatos Salvajes", soit six sketches traitant tous à leur manière des plus bas instincts humains, quand l'animal qui sommeille prend le pas sur l'être de civilisation.    La scène survient lors du troisième segment, le pire (le meilleur diront les autres), et fait craindre une course à la surenchère vulgaire pour la suite. Même si les salauds continuent à se succéder au sein de ce dispositif discutable, on est tout heureux que Szifron lève un peu le pied. Si l'on voit très vite où ce dernier veut en venir, on s'interroge néanmoins sur l'intégrité de son modus operandi ; c'est que le répéter à six reprises crée une effet redoutablement pervers chez qui regarde, tiraillé entre