FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR
Au FIFF, la compétition internationale courts-métrages s'est achevée dimanche par la projection des quatre derniers prétendants, et par de bonnes surprises.
C'était donc en cet après-midi dominical que la Maison de la culture de Namur accueillait une troisième et ultime salve de courts issus de toute la francophonie, voire bien plus loin (pour le franco-cambodgien Davy Chou et son intriguant Cambodia 2099 prenant place à Phnom Penh). Un programme hétéroclite brassant des horizons de cinéma variés mais à l'arrivée tous séduisants, à l'exception de Roberta, très court court québécois nous faisant les présentations avec une grand-mère éponyme assez flippante (on comprend l'inquiétude du petit-fils) addict aux médocs comme aux soaps locaux, et en proie à d'inquiétantes crises d'hystérie durant lesquelles elle fait part de son désir d'avaler quelques goulées d'antigel. Un film déconcertant dont on ne voit pas très bien où il veut en venir.
Au sein de cette sélection, c'est au belge Renaître de Jean-François Ravagnan qu'avait échu l'honneur d'ouvrir le bal. Un très beau court coproduit par les frères Dardenne, pour une très belle héroine, Sarah, jeune Belge d'origine maghrébine qui n'hésite pas à gagner en secret la Tunisie afin d'y voir une toute dernière fois Malik, son grand amour bientôt marié. Le film accompagne délicatement l'entêtement de la jeune femme, et la suit dans l'attente angoissée du moment, en train de se préparer avant de s'offrir à l'homme qu'elle aime encore. Puis arrive Malik : les mots qu'ils échangent sont rares, mais dans l'intensité des regards tout passe. Sarah ne lui demande qu'une chose : s'offrir à lui pour renaître, pour disparaître en paix de sa vie. L'émotion les étreint, il refuse d'abord, avant de céder devant la toute-puissance de l'amour. Sarah rentrera bientôt apaisée, et nous sortirons de la salle touchés par l'honnêteté d'une telle proposition de cinéma, qui a compris que parler justement du coeur et de ses raisons ne passe pas obligatoirement via de lourds déchirements. Une film qui étonne par sa finesse.
Suivait le germano-roumain Vacances d'été de Andrei Tanase, sympathique parenthèse estivale de deux cousins décidant, comme moyen de tromper l'ennui chez leurs grand-parents, de tracer des "crop circles" dans un champ voisin, espérant que leurs "oeuvres" attireront les équipes de télévision du coin. Esprit gentiment facétieux au programme donc, qui ne dure malheureusement qu'un temps : au cours d'une de leurs escapades nocturnes, les garnements tombent sur le cadavre du désaxé du village et s'en débarrassent maladroitement dans la panique. Le film finit abruptement peu après cette rupture de ton relativement incohérente et décevante, tant le charme buissonnier du début se suivait avec plaisir.
On terminait cette séance par un objet filmique non-identifié, Cambodia 2099, déjà évoqué plus haut. Nous sommes dans la capitale cambodgienne juste avant les élections, et l'on craint un embrasement au vu du résultat de celles-ci, si l'opposition venait à l'emporter. Deux amis discutent assis sur Diamond Island, essentiellement de leurs rêves. L'un des deux prétend avoir trouvé le moyen de se projeter en 2099, mais il lui faut absolument exécuter une chorégraphie appropriée et enfiler un pyjama rouge s'il veut y parvenir. Travail prégnant sur le son et intérêt manifeste envers ce que recèlent nos rêves s'entrecroisent dans ce film où il y a par intermittence du Apichatpong Weerasethakul, dans ses dialogues surtout, mais pas que : également dans le développement d'un langage cinématographique inédit et dans le goût d'un humour à froid, pour le coup moins verbal et plus expressif chez Chou. Notre doux rêveur obstiné finira par réaliser sa choré en public dans son splendide pyjama rouge, bien que l'on ne soit pas certain qu'elle lui ait effectivement permis de se projeter près de nonante années plus tard. Qu'importe, sa transe et la possibilité seule voyage lui offrent une bouffée d'oxygène dans un pays à la situation explosive, une réponse folle et poétique à une question politique.
Antoine Van den Kerkhove
Commentaires
Enregistrer un commentaire