Gain de quatre prix à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes et d'une réputation de "sensation cannoise" ; "Les Combattants", premier film de Thomas Cailley, apporte un intéressant rajeunissement au cinéma français. L'histoire de ce jeune benêt qui se prend d'amour pour une fille un peu fêlée s'apprêtant à intégrer un stage organisé par l'Armée de Terre débute de prometteuse façon : on assiste à un film générationnel franchement drôle et frais, servi par une bande-son adéquate, bien que par moments, cette camaraderie semble un peu facile et bon marché, sorte de façade qui aide le film à passer à la vitesse supérieure ; sa seconde partie, au sein donc du régiment de jeunes bleus proprement dit.
Indiscutablement la meilleure, et voir ce groupe peu à peu rodé aux pratiques militaires se révèle jouissif, recelant une vitalité bienvenue ainsi qu'une absence totale de sophistication. Ce spectacle hésitant et "bras cassé" ne trahit pas les promesses qu'avait semées la projection cannoise. Le bât blesse quand arrive la troisième et ultime partie, où, précisément, Cailley abandonne ses spectateurs en cours de route, battant en retraite, oubliant soudainement plutôt que de camoufler un temps avant de le faire réapparaître l'enjeu a priori crucial et central du film - l'enjeu amoureux qui se tisse.
S'il est évident que la romance secrète et quasi-interdite entre Madeleine et Arnaud reste présente en filigrane, son étouffement inexpliqué intervient comme une surprise, puisqu'il suit directement le paroxysme de celle-ci, lorsque les deux protagonistes se voient astucieusement mis à l'écart du groupe, alors qu'on pense que la passion ne va faire qu'aller crescendo. A ce romantisme, Cailley préfère verser dans une fin plutôt facile, que l'on attendait pas pour clôturer le dernier versant, une fin inexpliquée qui laisse sur sa faim. Peut-être Cailley lui-même sentait-il que sa mécanique s'estompait progressivement, une fois ce choix de l'abandon de la trame amoureuse opéré ( ce qui interroge aussi quant à la pertinence de cet abandon des corps inopiné survenu plus tôt ), option dont on se demande ce qu'elle aurait pu donner, menée à son terme.
La fin choisie correspond possiblement mieux à l'état d'esprit dont Cailley souhaitait imprégner son oeuvre, et à celui de ces deux jeunes adultes, à l'avenir flou, obstrué par divers inquiétudes. Toutefois, la ( pas totalement ) double aventure vécue ( sentimentale et militaire ) les aura rendus plus forts, rampe de lancement avant le grand saut dans l'inconnu. Promesse intéressante, Thomas Cailley ne peut que monter en puissance s'il parvient à "essentielliser" son cinéma, encore trop fougueux parfois. Gageons que son futur s'annonce radieux.
Antoine Van den Kerkhove.
Les Combattants
France, 2014
Thomas Cailey
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