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Le Vent se Lève




L'écran n'affiche plus qu'un plan . Un plan terrible , Ô si vous saviez .. '' The End ''.

Une ballade que l'on se ressasse encore et encore, jusqu'à épuisement,. Elle vous occupe l'esprit des heures durant par son harmonie, sa justesse, son excellence. Somptueuse mélodie, délicate attention offerte au spectateur, en souvenir, pour mémoire de ce nouveau chef-d’œuvre de Hayao Miyazaki. Les mots, armes sanguinaires de la critique, ne suffisent plus, il faut le vivre pour le croire.
Mais aussi y croire pour le vivre.

Le film s'ouvre sur l'une des quelques séquences oniriques que comporte ce dernier , celles-ci , propres au réalisateur , sont les seules traces inhérentes à l’œuvre globale du Maître – en omettant évidemment les différents tableaux , grandiosement poétiques. Car oui, nous avons affaire à un Miyazaki principalement réaliste traitant avec sa sensibilité personnelle , la vie de Jirō Horikoshi , ingénieur tristement célèbre pour avoir crée le fameux '' Zero '' .

Le vent se lève, oui mais peu importe pour Jiro, il doit vivre, il doit accomplir ses rêves. 

Ces vols, innombrables, parfois ratés, mais toujours majestueux refont sans cesse surface en moi, accompagnés d'un sentiment de plaisir indescriptible. Des machines impressionnantes qui retracent une histoire riche : le séisme de Kanto en 1923, la Grande Dépression, l’épidémie de tuberculose et l’entrée en guerre du Japon . Des premiers avions en bois et toiles, peinant à atteindre la vitesse d'un vélo, jusqu'au plus léger chasseur à « vocation pacifique » de la marine nippone, en passant par ces monstrueux bombardiers du Reich, effrayants mais tellement ingénieux, tout est affaire de vent. C'est pourquoi l'apothéose se résume dans la légèreté d'un planeur en papier, messager de l'amour entre Jiro et sa promise, Nahoko, summum de beauté et de grâce.
Le vent est émotion.

Sentiments bruts, sans artifices aucun qui touchent au plus profond. Simplicité qui aurait plu à Valéry.

Le film est une réflexion sur le pouvoir de la créativité , et les conséquences que celle-ci peut engendrer , et si l'on voit plus loin , une méditation sur l'artiste , ni plus ni moins ( notamment l'ingénieur italien qui faisait le rapprochement , que le pic de créativité durait 10 ans , même pour un artiste . Cette idée est de Miyazaki ) et du pouvoir destructeur qu'il peut avoir .
Il faut clairement le dire , le personnage principal est un inconscient , aveuglé par son rêve de créer l'avion parfait . Il est complètement passif et plusieurs fois dans le film on entend des '' Le Japon va éclater '' ou encore '' Nous ne sommes pas des marchands d'armes , juste des ingénieurs '' , et c'est aberrant de voir ce personnage éviter toute responsabilité et d'être si peu intéressé au sort de son pays , non , tout ce qu'il veut , c'est créer ses avions et ça s'arrête là . Il est tellement obnubilé par son travail qu'il en délaisse sa femme , touchée par la tuberculose , en continuant à travailler , travailler , poursuivre son rêve . D'un côté , oui c'est beau , c'est sûr et certain , mais il n'en reste que c'est totalement égoïste et enfantin . On comprend cependant pourquoi Miyazaki a voulu mettre en scène cette histoire . Jiro , c'est lui , ça saute aux yeux .
Ce qui pourrait être une déception vis-à-vis de ce personnage finalement aux antipodes du héros n'en est finalement pas une quand on lui offre cette interprétation certes très recherchée, mais tellement révélatrice.
En effet quelle humilité de la part d'un artiste tant adulé, tant aimé, qui est probablement un exemple pour beaucoup de jeunes japonais, d'admettre que sa vie est un échec. Qui plus est en apothéose d'une œuvre absolument magistrale. C'est un constat terrible. Il nous dit : au fond j'ai tout manqué. Pour moi c'est trop tard, mon livre est écrit. Mais le vent se lève alors il faut tenter de vivre .

Miyazaki n'est pas n'importe qui , et c'est lors de la scène de l'essai de Zero qu'il nuance un peu son approche du personnage . Scène bouleversante et révélatrice dans la mesure où Jiro détourne le regard de son avion , de son œuvre , de son rêve pour regarder l'horizon et le vent – qui se lève – faisant danser les arbres . Et là , il comprend , il le sait . Sa bien-aimée s'en est allée de l'autre côté . Mais lors de la dernière scène de dialogue , dans un rêve de Jiro , entre son idole et lui-même , ce dernier a beau déplorer les morts , il n'en est pas moins heureux d'avoir pu réaliser son rêve et d'avoir profité de ses '' 10 années folles de créativité '' .. Le film se termine sur des remerciements à l'attention avant tout de Nahoko , mais je préférerais dire à l'attention de toutes les personnes lui ayant permis d'accomplir son rêve . '' Merci , merci '' .


L'air immense ouvre et referme mon livr

Manu Libert, Mathias De Smet de concert.


Le Vent se Lève
Japon, 2013
Hayao Miyazaki

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