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La Vierge miraculeuse de Sainte-Marie-des-Bois





Une étude du passage, de la transformation : voilà ce qu'est la production franco-belge « Grave ». La transformation des corps évidemment, le passage de l'absence à la présence de la sexualité, du milieu familial au milieu social, Justine va en faire l’expérience. « Grave » est bien un film expérimental dans son sens scientifique. Julia Ducournau veut observer ces changements d'état et elle doit, pour cela, suivre une procédure, celle du bon laborantin. Il lui faut un milieu clos, sans échange possible avec l'extérieur : une école vétérinaire (génial!). Ensuite elle y observe les transformations et les pulsions à l’œuvre chez ses sujets. Pour se prémunir de tout débordement, de tout excès de zèle cinématographique (sortir le petit manuel de scénario), elle enferme solidement le tout dans un genre : l'horreur, là où seule compte une vision corporelle du monde.
À l'image de son homonyme sadienne, Justine passe d'un extrême à l'autre, parfois dans le temps du film, parfois dans le temps d'une scène. Il se passe énormément de choses dans une scène de « Grave », de véritables réactions en chaîne. On peut tout à fait commencer une scène d'épilation sororale avec tous ses membres et un gentil toutou, et finir, dix minutes plus tard, cannibale, manchot et sans chien. Entre-temps, les situations sociales, physiques et familiales se seront renversées.
Transformation, monstruosité et rire sont en effet très liés dans « Grave », grâce notamment au talent burlesque de Garance Marillier et au fait que le film évite la codification du genre et donc le sourire geek.
Du rite de passage classique (bizutage) au moins conventionnel, Julia Ducournau nous invite dans son observatoire sensoriel, pulsionnel, dans lequel on est constamment surpris, par les corps, par les fluides, par les sons.


Mathias De Smet



Grave, 
Belgique, France, 2017
Julia Ducournau.

 

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