Louangé de toutes parts,
"Tous les chats sont gris" offrait sur papier une
alléchante proposition de cinéma wallon. L'histoire de Dorothy
(Manon Capelle), bientôt 16 ans, ado mal dans sa peau issue de
la bourgeoisie bruxelloise, à la recherche de son père biologique,
un détective privé (Bouli Lanners) curieusement de retour au pays,
qui va finir par rencontrer ce paternel, bien évidemment sans le
savoir. On déchante hélas rapidement. Le film glisse sur des rails,
sans accroc, avec des dialogues désespérément réduits à une
pure dimension fonctionnelle, une écriture qui se fait lourdement
sentir, tuant dans l’œuf la moindre esquisse d'affect : on n'y
croit jamais. L'idée initiale - comment ce père parviendra-t-il à
révéler à sa fille la nature profonde des liens qui les unissent ?
- est expédiée au profit des interrogations de Dorothy, sauf que
celles-ci n'étant jamais creusées, on a la désagréable sensation
que cette quête du père se révèle n'être au bout de compte qu'un
efficace remède passager au mal-être vaguement capricieux d'une
pauvre petite fille riche, ni plus ni moins. Il est jouissif que le
seul moment rescapé de la fabrique d'affects soit une référence
vraisemblablement bien involontaire à une célèbre caméra cachée
de François L'Embrouille ( plus précisément à un certain
Michel Michel Michel, les amateurs s'en souviendront ), et surtout
qu'il survienne à l'instant précis où le film s'évertue à
afficher son plus haut degré de gravité. Étonnante singularité du
projet que de se pencher sur les tourments intérieurs de
l'adolescence, si c'est pour se contenter de soigneusement les
circonscrire, et d'en omettre les imprévus, les débordements.
Antoine Van den Kerkhove.
Tous les chats sont gris
Belgique, 2015.
Savina Dellicour
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