On
ne peut pas lui en vouloir, c’est ce qu’il fait. En bon artisan,
Téchiné nous revient avec un film classique, psychologue et qui remet
sur pied un schème bien connu de l’œuvre du réalisateur mêlant
antagonisme, découverte de l’amour sexué et adolescence. Le mouvement a
d’ailleurs le mérite de tendre vers une épuration du schéma dialectique :
étalé sur les trois trimestres d’une année scolaire — celle des 17 ans
—, le film nous présente la confrontation de Damien et Tom.
Ainsi, la séquence d’ouverture nous fait filer le long des routes ensoleillées de la plaine — « domaine » de Damien et sa famille bourgeoise —, et la seconde d’après nous emmène, sinueuse, à flanc de montagne enneigée, celle-là même où Tom tous les matins marche et prend le bus. L’antagonisme est donc posé d’emblée. De manière trop insistante, penseront sans doute certains. Mais au regard de la thématique, sans cesse récurrente chez Téchiné, de la confrontation des opposés, on ne peut que s’interroger plus avant sur cette insistance. Le film continuera sur cette voie et sa construction en est une expression. Le premier trimestre se met sous le signe du paysan montagnard : thèse ; le second, sous celui du fils de médecin brillant : antithèse ; le troisième se concentrera sur la manière dont ils vont se découvrir, se changer l’un l’autre, s’accepter aussi : synthèse. De la même manière, les adolescents se battent : thèse ; l’un se découvre amoureux de l’autre, qui, sans le rejeter totalement, ne va pas vers lui : antithèse ; ils s’aiment
finalement : synthèse. Et ainsi de suite …
Ainsi, la séquence d’ouverture nous fait filer le long des routes ensoleillées de la plaine — « domaine » de Damien et sa famille bourgeoise —, et la seconde d’après nous emmène, sinueuse, à flanc de montagne enneigée, celle-là même où Tom tous les matins marche et prend le bus. L’antagonisme est donc posé d’emblée. De manière trop insistante, penseront sans doute certains. Mais au regard de la thématique, sans cesse récurrente chez Téchiné, de la confrontation des opposés, on ne peut que s’interroger plus avant sur cette insistance. Le film continuera sur cette voie et sa construction en est une expression. Le premier trimestre se met sous le signe du paysan montagnard : thèse ; le second, sous celui du fils de médecin brillant : antithèse ; le troisième se concentrera sur la manière dont ils vont se découvrir, se changer l’un l’autre, s’accepter aussi : synthèse. De la même manière, les adolescents se battent : thèse ; l’un se découvre amoureux de l’autre, qui, sans le rejeter totalement, ne va pas vers lui : antithèse ; ils s’aiment
finalement : synthèse. Et ainsi de suite …
On
peut donc se demander si cette variation sur la dialectique (par
ailleurs bienvenue, on en manque) n’est pas une introspection de
l’auteur-même, qui chercherait, en l’épurant au maximum, la question
centrale qui l’a occupé pendant une bonne part de sa carrière. Mais on a
l’impression qu’il ne va pas jusqu’au bout, qu’il n’ose, ou ne veut (ne
peut), aller plus loin et dépouiller complètement son sujet, comme par
peur de l’épuiser. Car si le schéma transparaît avec clarté, il n’est
néanmoins pas exprès. On regrette, en effet, que des personnages
externes, et finalement peu utiles à la réflexion (mais trop utiles à
l’avancée scénaristique, assimilables, parfois, à des deus ex machina
— quelle mère bourgeoise va héberger le pire ennemi de son fils par
pure libéralité ?) soient à ce point développés, alors que Téchiné
n’hésite pas à laisser de larges pans de la vie de nos anta- ou
protagonistes de côté (où sont les camarades de classe ?).
Trop
psychologique, pas assez concentré, le film, finalement, ne gagne sur
aucun tableau. Sa réflexion schématique est grevée par trop « d’à côté »
tandis que le portrait adolescent n’est soit pas assez développée, soit
malvoyant. Quand on a 17 ans on aime et on a peur, on s’acharne, on
lit, on joue. Mais on ne demande pas à ses parents s’ils veulent de
l’intimité … on la leur laisse sans attendre son dû, on les fuit. Reste
que certaines scènes — mais certainement pas la dernière, où le couple
se rejoint (nous les voyons en contre-plongée) pour s’embrasser après
toutes leurs péripéties… — se libèrent, et jouissent, malgré tout ce que
le film refusait, retenait, de l’âge de nos deux amis.
Notons
à ce propos le central du film qui voit la relation balancée du tout au
tout. Pour le contexte : les deux jeunes se battent et se disputent
sans motif depuis le début du film. La mère de Damien, par gentillesse,
invite Tom à séjourner dans la maison familiale pour lui donner un
environnement propice à sa réussite. À ce moment les adolescents
commencent à se lier d’une camaraderie qui transcende, en l’utilisant
comme vecteur, le combat. Ils partent, s’étant donné rendez-vous pour la
castagne, ensemble et, comme de juste, se battent. Et là, sans effet de
caméra, ni visuel, ni même décelable à l’écran, on sent d’un coup, mais
de manière très fine, le basculement de la relation vers le radieux,
depuis la froidure.
L’idée
était pourtant charmante, mais elle ne s’est pas suivie elle-même. La
sauvagerie (les scènes de violence, comme celles au creux de la nature,
sont les plus réussies), ou au contraire la réflexion pure, sans égard
pour le réel, eurent été l’une comme l’autre salutaires. Mais seulement
séparément et poussées à l’extrême. Le troisième terme manque, et la
dialectique de camoufler son manque de synthèse sous un conglomérat qui a
du mal à tenir. On n'est pas trop sérieux quand on a 17 ans.
Timothée Pichot
Quand on a 17 ans
France, 2016
André Téchiné
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