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Bande de Filles



  Là où le titre nous promettait un film de bande et le synopsis un récit initiatique inédit, force est de constater que "Bande de Filles" dévie fortement de son programme initial, jusqu'à une fin en décalage complet et s'apparentant à une véritable sortie de route.


   En préambule de cette séance de début de soirée, Céline Sciamma, accompagnée de deux de ses comédiennes - Karidja Touré et Assa Sylla - déclare devant une salle bien remplie "être sidérée" par le fait que personne avant elle n'ait pris sa caméra pour filmer "les figures les plus actuelles et les plus représentatives" de l'Hexagone. Avec tant d'amour et d'admiration dans la voix, on se dit que l'on va assister à quelque chose de neuf, que les jeunes Noir(e)s vont enfin pouvoir s'affirmer en tant que figures pleines et entières du cinéma français, revêtir d'autres habits de lumière que ceux d'un spectre.

  A ce titre, l'orée du film s'annonce très bien. Une fois Marieme devenue Vic après son intégration dans la bande, voir ces filles à la peau sombre mues par une lumineuse énergie et une insatiable soif de vivre forme le corps contrasté de ce à quoi prétendait ressembler "Bande de Filles" ; une savante articulation de gimmicks ( battles de danse, affrontements musclés - et jouissifs - entre bandes rivales, retrouvailles en chambre d'hôtel... ) inhabituels, uniquement mis en branle puis répétés grâce et par le dynamisme de ces presque femmes ne désirant rien autant que de vivre comme elles l'entendent, sans ambages.

   Commence ici un deuxième film, que fait naître un événement incontrôlable ( ah, vertiges de l'amour ! ) : l'inopiné changement de trajectoire de Vic, une fois "sa" bande abandonnée de force après la découverte des dangers que peuvent amener cet enfermement amoureux lorsqu'on est une fille de banlieue, de surcroit cadette d'un frère. On a la désagréable impression que la première partie du film ne servait in fine qu'à dévier vers cette "Chronique d'une pauvre jeune fille Noire en perdition", puisque nous n'aurons ensuite plus de nouvelles du reste de la bande. Le film ne nous apprend rien ( vous le saviez, vous, que les jeunes issus des quartiers défavorisés rêvent de liberté et de s'extraire de leur quotidien sans échappatoire apparente ? ) et finit par s'empêtrer dans des longueurs qu'il a lui-même créées, sorties tout droit d'une énième rediffusion d'un "90' Enquêtes".

   Restent pourtant en tête ces corps débordants de vie qui communient entre eux sur un playback de "Diamonds" de Rihanna, à qui même le cinéma refuse d'indiquer la voie vers des chemins moins balisés, plus sauvages et émancipateurs.

                            
 Antoine Van den Kerkhove


Bande de Filles
France, 2014
Céline Sciamma

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