Une chambre au nom de Swann.
Ainsi commence cette étonnante fable proustienne, la vie du maître
couturier, Yves Mathieu Saint-Laurent. Et déjà ce plan. Une chambre
d’hôtel monotone, mortifère et la silhouette d'un homme aux
parfait brushing assis sur le lit face à un Paris orangé,
peinturluré par un soleil couchant.
Une époque. 1967-1978. Selon le
réalisateur, tout y est. Le faste, le sexe, la drogue, la jeunesse,
l'amour, encore le sexe et le début d'une fin. Le parti-pris n'étant
pas de faire de cette toile un simple biopic comme on en voit tant
mais plutôt le portrait d'un créateur, dans son environnement, rend
cet hommage exceptionnel (au sens premier du terme). On découvre un
Saint-Laurent à la fois quand il irradie le plus - « Bientôt
il sera le seul à rayonner » nous dit Pierre Berger (J.Rénier)
– mais également dans sa phase de nécrose psychique la plus
intense.
De mode
il est question mais ce n'est pas du tout le sujet essentiel.
Finalement YSL n'est qu'un contexte, certes idéal, pour
évoquer un thème bien plus large et universel. Celui d'un artiste,
qui, ne pouvant rester accroché à une réalité terre à terre,
s'envole dans une sphère de folie irrévocable. En
effet malgré la sinuosité de son humeur, malgré l'amour fou (
d'abord de Pierre Berger, moins traité, puis de Jacques de Bascher),
l'argent, les amitiés (de femmes superbes), le couturier ne pourra
jamais dire de lui qu'il fut un jour heureux. Sombre existence qu'est
la sienne alors que tout était réunis pour le satisfaire. En témoigne
cette dernière image terrifiante, peut être la plus marquante de cette année.
Saint-Laurent
France, 2014
Bertrand Bonello.
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