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Je suis mort mais j'ai des amis

   Second long-métrage de fiction des frères Malandrin, ce "Je suis mort mais j'ai des amis" déçoit à plus d'un titre, malgré toutes les bonnes intentions qu'il recèle. Car si cette histoire invraisemblable d'un groupe de rock belge ( bientôt rejoint par un invité mystère ) constitué de sympathiques quinquas, qui, à la suite du décès de l'un d'entre eux, décide de maintenir sa tournée nord-américaine coûte que coûte en hommage à feu Jipé, promettait un road-movie pétaradant et évidemment rock 'n' roll, le film laisse très vite découvrir son apathie. La première partie belge est en surchauffe totale, les Malandrin se montrant incapables de faire survenir la moindre fulgurance comique par d'autres biais que cette hystérie continue et cette balourdise ( la récupération des cendres du défunt puis leur "mise en boîte", la scène du chili con carne ). On concède pourtant un rire, un sourire de temps à autre, tant c'est gros et régressif, et c'est bien là que réside tout le problème du film : un énorme souci de mise en scène, un écart saugrenu entre ce comique peu fin ( qui n'empêche donc pas le rire ) et une cruelle absence de punch, un rythme bizarrement alangui. Résultat : on s'ennuie vite ferme, et ces rares éclaircies s'apparentent à des coups de forces désespérés pour relancer la mécanique, en vain. C'est au moment où les frères lèvent le pied, soit lorsque nos joyeux drilles s'envolent pour les US ( enfin, presque ), qu'un équilibre se fait, que le film respire enfin, sans pour autant abandonner son lot de péripéties nouvelles, et qu'il nous offre ses instants les plus hilarants ( dont cette scène fabuleuse du croissant à l'aéroport de Zaventem ), s'ouvrant aussi à ses personnages, aux vieilles rancoeurs qui inévitablement ressurgissent. Cela reste maigre, les Malandrin nous ayant laissé à quai depuis longtemps, ne comptant plus que sur cet esprit bonhomme et sur l'irrésistible Wim Willaert pour emporter le morceau.


Antoine Van den Kerkhove




Je suis mort mais j'ai des amis
Belgique, France, 2015
Guillaume et Stéphane Malandrin

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