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Revue : Houellebecq (1/3)

Near Death Experience


Un film qui se suicide par sa bande annonce, quelle tragédie pour un film de suicidé !
Il n'y aura pas ici de parallèle entre Houellebecq-homme et Houellebecq-personnage, la chose a été faite mainte fois, parce qu'on ne le connais pas : il a une vie qu'il gomme – contrairement à un Luchini qui sacrifie le peu qu'il a à l'art.
Un film suicidé, donc : parce qu'il aurait dû s'en tenir à un format de court. Pourtant rien n'y est simple et des kilomètres de pellicule n'épuiseraient pas son sujet. Il s'agit de Paul, un suicidé en puissance à la recherche de sa mort et qui pense, un peu. Il nous parle de l'enfance et de la vie des gens du siècle mais très peu de lui : il veut mourir, et c'est tout.
Il part Paul, sur un vélo qu'il n'a pas voulu, dans un accoutrement aussi peu saillant que désiré, à la recherche, via la solitude, de sa mort, une mort, la mort. Mais il nous faudra attendre qu'il la rencontre, là est tout le problème, on attend tout ce que l'on sait déjà (la mort, les scènes données par la bande-annonce, ...). En fait on attend trop. Par ailleurs, la passivité de l'attente ne s'inscrit pas dans une association à la recherche de la mort par Paul ; on ne devient pas lui.
On va même jusqu'à s'y ennuyer, de par la vanité de beaucoup (trop) de scènes : elles ne portent rien. Et pourtant il y a un éclat.
Le film commence d'emblée ; trop convenablement, mais il commence ; par une scène dont on se demande si elle était nécessaire. Le physique de l'homme en parka en dit déjà pas mal sur son personnage. Puis le film se pose pendant cinquante minutes, entre sa fuite du monde et la NDE. Parce que, Paul, il s'en fout : non pas que ce soit son caractère, mais simplement, il est mort, déjà. Mais rien y fait : ses tentatives sont toutes des échecs.
Notons au passage tout le burlesque du physique houellebecquien, trop souvent dépeint comme dépressif alors que lui même se diagnostique comme cyclotymique.
Enfin, il choit et touche à la mort. Une NDE qui est l'occasion de goûter les délices d'une jeune femme nommée Endorphine. Hélas, tout s'écroule, il se relève et semble ne plus vouloir mourir. Paul retourne à sa lâcheté.
Il y a, dans ce film comme une éloge – nous ne sommes, et depuis longtemps, plus à nous en indigner – du suicide qui ne fait pas de mal car il s'agit de vraie mort, à mille lieux de toute transcendance. Revenons à l'ennui causé par le film. On pourrait croire qu'il a été nécessaire pour en arriver à cette tristesse car le suicide n'a pas lieu mais il n'en est rien, plus d’explicite y aurait mené tout aussi bien.
Enfin, dégoûtés par la lâcheté de Paul, nous le regardons amèrement rentrer chez lui, remis sur l'infâme droit chemin par la NDE et l'on pense qu'il va retrouver le siècle. Il part sur la route en quête de société qui lui semble finalement être le moindre mal. Il a des fleurs pour son amoureuse.
Une voiture le prend en stop, la conductrice lui parle et il lui répond succinctement, la regardant qui débite des quelconques civilités avec un ton de malaise.
Il saute. Il meurt : les fleurs étaient pour Endorphine mais il ne la connaîtra que quelques secondes. Il n'aura pas abandonné : il est mort, maintenant, mais heureux et c'est pour ça qu'il s'en fout.
Après tout, il vaut peut-être mieux « un père mort à un père sans vie ».


Timothée Pichot






Near Death Experience
France, 2014
Gustave Kervern, Benoît Delépine


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