Il n'aura donc fallu que deux films américains à la nouvelle coqueluche du tout-Hollywood pour démontrer toutes les limites de son cinéma grandiloquent. The Revenant retrace l'exploit véridique du trappeur Hugh Glass qui en 1823 fut abandonné à l'article de la mort par des membres de son équipe dans l'hostile Dakota du sud actuel, avant de pourchasser sans relâche les traîtres malgré son agonie. Inarritu y fait heureusement moins pire qu'avec l'hystérique et creux Birdman, sorti l'année dernière pile au même moment, mais les grosses ficelles dont use et abuse le Mexicain commencent cruellement se faire jour. Au commencement, il y a d'abord une tête d'affiche ayant quelque chose à prouver : un Michael Keaton sur le retour pour Birdman, ici un DiCaprio visiblement prêt à tous les sacrifices en vue de décrocher la fameuse statuette dorée le 28 février prochain (maudit running gag !). Vient après l'inénarrable performance technique : c'était l'exténuant faux plan-séquence de près de deux heures dans Birdman, ce sont les mouvements de caméra plus ou moins alambiqués pour faire joli, et ce durant 2h30, dans The Revenant. Suit un propos d'un vide intersidéral : vis ma vie de star déchue et toutes les banalités d'usage l'an passé, comment tenir bon dans les pleines enneigées de l'Amérique sauvage en étant ravagé par la douleur pour cette fin de janvier. Or il faut évidemment combler ce vide ; qu'il s'agisse de Keaton ou de DiCaprio, l'acteur doit prendre toute la place et pédaler dans le vide tel un dératé pour éviter que la grosse machine ne déraille. C'est plus vrai encore dansThe Revenant où l'on n'avait jamais vu DiCaprio la jouer à ce point performer, s'investissant tout entier pour le rôle : Leo parle la bouche pleine de terre et de sang, Leo mange un poisson vivant, Leo passe la nuit dans un cheval après l'avoir préalablement vidé, Leo a le malheur de câliner du grizzly, et on en passe. Si l'on ne doute pas que l'acteur en a réellement bavé lors du tournage, que dire alors des pauvres spectateurs, peut-être pas transis par le froid coupant mais bien par l'ennui, devant cette interminable succession de grognements et borborygmes, qui ne valent au fond ni plus ni moins qu'un épisode de Man vs. Wild, la pompe en plus. Incapable de créer son propre style "d'auteur" (son association avec Emmanuel Lubezki, chef-opérateur attitré de Terrence Malick depuis Le Nouveau Monde, ne débouche par moments que - et au mieux - sur un vague ersatz des images et fulgurances malickiennes) puisqu'il n'en est pas un, révélant de surcroît une incroyable balourdise quand il désire ouvrir son récit au sentimental (les réminiscences grotesques de sa femme par Glass), Iñárritu rejoint définitivement le panthéon des bons tâcherons d'Hollywood. A ceci près qu'avec douze nominations aux Oscars, il est autrement mieux considéré que le reste de ses collègues de même stature. L'unique mérite de The Revenant étant la confirmation, après le country club du Loup de Wall Street, que Leonardo DiCaprio reste bel et bien le plus grand rampeur qu'ait connu le cinéma américain depuis toujours.
Antoine Van den Kerkhove
The Revenant
États-Unis, 2016
Alejandro González Iñárritu
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